Hier, il fesait beau, mon pote Charly savait plus trop où il en était. Alors j'ai annulé mes cours de français et on est allé faire un tour dans une réserve naturelle près de Bs As pour lui remonter le moral.
Si le film Lluvia (pluie) sort en France, on y voit le ponton où on c'est baladé hier.
Mais comme dit JR, ça n'a rien à voir.
Au retour, à la nuit tombée, bien crevés, notre bus a été bloqué avenida SantaFé par des
caserolazo. Késako? Un casolero normalement c'est une manifestation spontannée, de gens qui tappent sur leurs casseroles pour faire entendre à qui passe par là, qu'ils n'ont plus rien à manger. C'est par ce type de manifestations qu'avaient débutés les évènements du 19 et 20 décembre 2001 qui, pour faire court, se solderont par 37 morts, un président qui part de la casa rosada (élysée argentin) en hélico, et la fin de la parité pesos/dollards qui redonnera un peu de soufle économique au pays.
Le pays n'en a pas été pour autant sauvé, un enfant par jour meure toujours de faim en Argentine, 50 % de l'économie est au noir et les
villas misere (favelas version argentine) sont toujours debouts et, vu la vétusteté on se demande bien comment. Mais quand même un casolero à Palermo, je pensait pas qu'on en était là. Je m'explique: Palermo c'est le quartier chic et branché de Bs As. Si tu es étudiant étranger, que tu es venu en Argentine parce que c'était pas cher et qu'on y fait bien la fête, c'est ton tié-quar. Tu connais tous les bars et les restos feng-shui et tu sais où t'y procurer de la coke pas chère et moins dégeulasse que le paco que prennent les cartonneros et autres populations pauvres. Si tu es un jeune argentin, fils du peu de bourgeoisie qui existe ici, c'est ton tier-quar aussi. Tu es venu t'y acheté tes dernières nike, tellement chic qu'elles sont au même prix qu'en Europe et tu tutoies le vendeur de chez Swach.
Bref, vous voyez un peu le topo, que vient foutre un casolero dans l'équivalent du boulevard Saint-Germain, le Flore en moins?
Alors j'ai demandé à mon pote Charly, que notre excursion avait un peu requinqué. Comme il est cuisto (d'ailleurs si vous avez des offres d'emplois pour lui en france, je transmettrais), il connaissait son affaire. Il m'a d'abord parlé de Kristina K. sa présidente qui fesait rien comme il faut. Jusque là on était d'accord. Mais le soucis c'est qu'après il m'a expliqué que les producteurs de l'agro-alimentaire argentin était en grève depuis quelques jours, qu'ils n'approvisionnaient plus rien ici (rassure-toi pour leur porte-monnaie, ils continuent à vendre à l'étranger). Ils manifestent ainsi leur mécontentement face aux impôts bien trop lourds (45% de ce qui s'exporte). Alors après tu comprends, faut payer l'essence des machines, les salaires, tout ça... alors ils ralent parce qu'il leur reste plus rien du tout, et ils coupent les routes (vieille technique utilisé par les
piqueteros qu'il ne faut surtout pas confondre, eux ils étaient sans boulot et sans nourriture). Comme Charly sait que moi j'aime bien tout ce qui est
modiva popular, il m'a proposé de descendre pour voir. Je lui ai répondu le plus calmement que j'ai pu que jamais j'irais exposé ma face dans une manif défendant les interêts des propriétaires terriens argentins (qui pour la pluspart ne sont pas argentins) qui exploitent les populations pauvre du nord du pays et qui appuieront la dictature. Et que franchement quand t'es dans un bizness qui rapporte plus de 75% de bénéfs net, tu peux bien en filer la moitié à la communauté. Et que faut pas déconner, faire un casolero à Palermo Soho (sans mentir c'est comme ça que s'appelle le
barrio), c'est du foutage de gueule, parce que l'impact de cette grève évidamment c'est l'augmentation des prix des aliments. A Barracas et dans les autres barrios sud, ça veux dire se serrer la ceinture et manger moins même si déjà avant y avait pas grand chose, à Palermo, ça veut dire augmenation du prix du suchis et de la salade zéro% de matière grasse.
Je sais pas si c'était la fatigue, mais il a parut plutôt d'accord, en tout cas il a rien répondu.
Mais bon rassurez vous, je ne déserte pas les rues pour autant, il y a deux jours j'ai passé toute l'aprèm plaza de Mayo, mais ça c'est une autre histoire, bien plus interressante que je vous raconterai dès que mes photos auront été développées.