Il y a maintenant plus de six mois, avant de partir, je m'étais plus où moins gavée de reportages et d'articles sur les entreprises autogérées. J'avais rabattu les oreilles de plus d'un d'entre vous sur ce sujet, en fesant de "l'autogestion c'est la solution" où de "on n'a qu'a s'autogérer" une petite blague facile qui fermait les débats lillois les plus houleux. A ce moment là sachez que malgrés tout, j'avais peur...
Peur surtout de servir à rien là bas, à côté de gens qui avaient fait à leur façon, la révolution. En effet, ces mecs là ont changé le monde. Pas seulement leur quotidien, mais aussi une certaine vision qu'on avait de la vie en général. Ben non, y a pas besoin de leader pour prendre des décisions productives, pour mener une lutte ou faire tourner une entreprise. Il suffit d'une assemblée de gens concernés et de prendre le temps de débattre. Bien sur, tout n'est pas rose, tout n'est pas facile, cela coûte de passer du statut "ouvrier qui fait ce qu'on lui dit et qui la ferme" à "ouvrier à qui on demande de participer et de debattre sur comment faire", cela crée des tensions. Le plus dur me semble-t-il c'est que sous patron, l'ennemi est clairement déclaré: c'est le vieux bedonnant et rapia. En autogestion, c'est plus difficile, ca pourrait être l'Etat mais il est trop loin et pas assez visible, alors parfois ca devient le type qui bosse à côté de toi, qui à pas nettoyé la machine hier, qui bosse pas assez à ton goût ou qui milite pas assez. Mais bon, au final, malgré les accrocs et les alléas de la lutte permanante (je me permet de rappeller que presque aucune entreprises autogérées n'a une situation juridique stable) ils s'en sortent. A Zanon par exemple, des ouvriers sans qualifications aucune, si ce n'est faire des carreaux de céramiques et quelques heures de cours de compta avec des étudiants militants, brassent chaque mois près d'un milion d'euros qu'il répartissent en coûts, charges, salaires et donnations.
Bon, tout ca pour dire, qu'avant de poser le pied en terre d'Argentine, j'avais la trouille. Qu'es ce que j'allais bien pouvoir y foutre dans ce bourbier moi? A quoi j'allais pouvoir servir pendant un an? Déjà es-qu'ils auraient juste le temps de me calculer? Les seules images que j'avais venaient de "the take" le docu politico-émotionnel (gros plan sur la gueule du futur travailleur autogéré quand il pleure parcequ'il vient de retrouvé à la même place son maté qu'il avait oublié quand il s'était fait viré du jour au lendemain), "mémoire d'un saccage" et quelques autres courts métrages. On y voyaient ces ouvriers de Zanon qui s'entrainaient au lance-pierre au cas où la police viendrait les déloger, ou ce gars qui racontaient que pendant "la patronale" son boulot consitait à aller chercher des putes et de l'alcool la nuit si un des clients lui demandait et qui il y a deux ans était président de la coopérative hotel BAUEN.
J'avoue que mes débuts n'ont pas été faciles, j'étais la petite étrangère qui débarquait comme tant d'autres, qui venait les étudier et qui en plus parlait pas beaucoup castillan. Et puis petit à petit j'ai fait mon trou, je me suis adaptée et j'ai fini par participer. Donner des coup de main à droite à gauche, payer des factures et répondre au tel quand y avait personne à Chilavert, ou juste venir discuter ou donner des cours de français pour distraire un peu les companeros. Parce que faut pas croire, autogéré ou pas, le travail reste aliénant. Mais comme nous a dit Sergio (chimiste à Zanon et un des instigateurs de la bibliothèque populaire fasinpat), c'est quand on sort, qu'on discute avec des étrangers qu'on se rend compte qu'on fait qqch de grand.
Moi maintenant je m'y suis un peu habituée, les travailleurs autogérés d'Argentine qui m'impressionnaient tellement sont devenus des amis, des companeros dont je paratge pour un temps la vie. Je partage leur repas, je vais boire des bière et jouer au billard avec certains d'entre eux. On débat, parfois je m'énerve devant qq réflexions tellement capitalistes. Mais j'ai appris aussi à comprendre, que c'est pas parce que t'as un droit de vote en assemblée que tu rêves pas comme tout le monde de gagner plus pour pouvoir te payer le dernier écran plasma pour regarder les matchs de River ou Boca en haute définition.
Mais parfois, ca me tombe dessus, j'ai un peu d'adrénaline qui monte, comme ce jour où j'ai eu droit à un concert privé dans le local maintenance du BAUEN, ou cet autre moment où on à fait des crèpe flambée au rhum en cuisine. Je me met à penser "putain de borel de merde, mais ou je suis là?! Dans cet ex-hotel 5 étoiles où ils y a 4 ans des gens ont forcé le cadenas et sans partons, allant à l'encontre de centaines de lois, notament celle de la propriété privée (pas de la bagatelle) se sont remis à produire. Pour pouvoir manger seulement, mais c'est comme cela qu'il ont un peu changé le monde.
Quand tu vas à Zanon et qu'il y a toujours quelqu'un pour prendre le temps de discuter, de partager un maté, cela fini par sembler presque normal. Et puis au moment où j'ai demandé, à propos de leur système de prise de décision horizontal et où chacun peut intervenir à chaque étape, comment ils avaient faits pour mettre ça en place, qui leur avaient soufflé, ils te répondent très posément "la nesecidad". Ca m'a secouée; c'est ça, la nécésité qui a pousée 450 mecs y pico à faire tourner envers et contre tout(s) une entreprise pareille. Ca fout les pendules à l'heure je vous jure, ces mecs là ont mis à l'oeuvre des centaines de théories qu'ils ont jamais lues pour pas creuver la faim. Alors à ce moment là, au contact des ces gens tout ce qui a de plus normaux, cela devient clair comme de l'eau de roche "la solution c'est l'autogestion".
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2 commentaires:
pour une fois je suis d'accord avec tout ce que dit Pauline!
whaou, la chance !
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