On l’aura dit et redit. L’Afrique du nord, c’est pas l’afrique. Le sud de l’afrique, c’est pas l’afrique. La Namibie, c’est pas l’afrique. L’Ethiopie, c’est pas l’Afrique. Mais Addis Abeba, c’est pas l’Ethiopie. Et la rue Piassa, c’est pas Addis. La rue Piassa, c’est une rue presque comme une autre, nommée comme ca par les locaux simplement parce qu’elle se trouve dans le quartier de Piassa. De chaque coté de la rue, quelques cafés. Des cafés, des vrais, avec des tables et des chaises posées dehors, où n’importe quel autochtone s’assied, pas nécessairement un homme gras habillé de chaussures en peau de croco, d’un costume à l’américaine et de lunettes de soleil fashion, comme on le verrais le plus souvent au ghana. La, l’autochtone peut commander un café, ou un café au lait. Le café qu’on lui apporte, c’est pas un nescafé. C’est un vrai et bon café, et l’Ethiopie en a fait un trait spécifique de sa culture (et de son économie, un des rares). Je pense que c’est la raison pour laquelle on boit du vrai café à chaque coin de rue à Addis, et du nescafé à Accra, alors qu’on cultive du café dans les deux pays, cette culture.
La rue Piassa est stratégique. Elle relie un des centres de la ville à l’un de ses hotels luxueux. C’est pourquoi de chaque coté de la rue, et à ces cafés, des dizaines de jeunes ont érigés leur retraite, et guettent les touristes qui débarquent pour leur servir de guide d’une manière ou d’une autre. Ces guides sont d’ailleurs souvent sortis de leur village de campagne grâce à l’argent du tourisme ‘sauvage’. Maintenant ils squattent là, il me semble tous les jours et toute la journée, et toujours plus ou moins désoeuvrés. Ils y ont leur monde, leurs incessantes histoires de thunes, leurs commentaires sur les filles, leurs racontars pour les étrangers. C’est là que Sacha a trouvé son ghetto, et il y a ses potes et ses problèmes. C’est la rue vers laquelle on se dirige dès qu’on sort de l’appart’ de Sacha, mais c’est aussi la rue qu’on évite tant qu’on a personne à y voir. En tout cas, Sacha y vit comme un poisson dans l’eau. Clélie, elle, vit entre certains amis qu’elle tient de là bas et ses compagnons du Centre Français des études éthiopiennes qui font leur thèse sur des chose telles que 'les peintures végétales de la pierre de granit de l’église saint george du 17eme siècle de lalibela de…' et où on entend des blagues sur les belges et on cuisine autant des pâtes que de l’injerat, mais peut être plus des pâtes. Les deux ont aussi acquis un niveau impressionant en Amharique, la principale langue ethiopienne, et qui dépasse de dix fois mes trois langues ghanéennes cumulées.
En venant du ghana, on est sincèrement ébloui par la profusion de cafés, restaurants, et hôtels d’Addis abeba. Les magasins avec vitrines y sont courants alors qu’à Accra, ils ne peuplent que les deux rues les plus commerçantes de la ville. Au Ghana, un magasin, c’est le plus souvent un étalage de produit sur une table, et le restaurant, c’est pareil, il est dehors sur la table… « tu le veux mon fufu ? » Heu…oui. Donc on investit pas autant la rue en Ethiopie. En général, l’Ethiopie n’a pas l’excentricité de l’Afrique de l’ouest. Donc devant cette profusion de magasins et en venant du Ghana, j’en croyais pas mes yeux. Fort heureusement, les mendiants de chaque coins de rue étaient là pour conforter mes connaissances du pays. Il faut dire qu’à Addis bien des gens gagnent leur argent d’une manière pas banal, en tout cas pas chez nous. On se prostitue dans les boites de nuit, par exemple pour payer ses études, on crie les destinations et récoltent l’argent des voyageurs dans les minibus de ville alors qu’on a sans doute pas 10 ans, on s’accroche coûte que coûte à un étranger pour lui soutirer l’argent d’une visite, se faire payer sa soirée, ses études ou son visa.
Il faut dire que le tourisme est très développé en Ethiopie, même si pas très encadré. C’est que l’Ethiopie a beaucoup à montrer : sites naturels, historiques ou religieux. La région a aussi cultivé sa singularité depuis toujours, et que ça soit culturel ou naturel, on finit par avoir l’impression que chaque détail est endémique à l’Ethiopie...cette indépendance et cette unité, si anciennes, cette langue, à l’alphabet qui lui est propre, cette religion, une orthodoxie particulière, ce calendrier, Julien qui nous met en 2000, cette gastronomie, à base d’injera, une galette d’une céréale endémique nommé ‘tef’ que l’on remplie de légume viande ou poisson, cet oiseau, cette plante…bordel! Y sont quand même comme les autres nan !?
Un prêtre nous expose un manuscrit religieux dans une église du XVIIème siècle...
Shisha, café torréfié (l'assiette a gauche), et encens dans une maison de cat...
J’ai donc passé une semaine à découvrir la vie d’Addis Abeba et de Piassa, fréquenter les cafés et les restaurants sans presque jamais aller deux fois dans le même (!), sortir dans les boites ou Sacha était accepté (pleines de putes), vivre dans son appart dont l’état a indigné le stagiaire d’une ONG dans l’eau et les sanitaires, et témoigner de son succès auprès des filles (c’est bien simple à Addis il y a Sharuk Khan, l’acteur n°1 de Bollywood, Ronaldo, et Sacha), ou bien trainer les endroits branchés de la ville avec Clélie, essayer les alcools surprenants et bien sur écouter des blagues belges. Après quoi ‘Chacha et Fifin’ (selon la prononciation locale) sommes partis dans le sud du pays. On a loué une voiture, qu’on a conduite pendant un jour, tenté de réparer pendant deux jours, et se faire rembourser pendant au moins dix jours. On a donc continué en bus, et fait un beau voyage parsemé de sources thermales, d’une communauté rasta, de très beaux paysages, de crocro, …Le voyage, ainsi que toute son expérience de l’ethiopie, est relaté sur le blog de Sacha, qu’il a sournoisement caché aux yeux de beaucoup : allez sur overblog.com puis recherchez mission-to-ethiopia (pff, oui je sais).
J’ai voyagé tout seul la dernière semaine dans le nord du pays, qui représente la route historique. C’était très chouette mais j’ai pas grand-chose à raconter. Simplement, l’histoire du pays est passionnante, et l’Ethiopie, même si elle n’est pas plus unique qu’une autre, est clairement sous-publicisée par chez nous.
Je suis donc de retour à Accra après quelques déboires avec Ethiopian airlines, et j’apprécie donc toute la différence avec cet autre pays africain…J’affirme toujours qu’on ne peut pas dire d’un pays qu’il est mieux qu’un autre, mais c’est clair, les jus de fruit et le café vont me manquer…Enfin au final, de retour à Accra je me sens moins perdu en venant d’Addis que je ne l’étais en ressortant de mon bled de campagnard des plaines d’Afram…le dépaysement n’est peut être pas là où on le croit.
Bises à tous!
8 commentaires:
Je rajoute un bout d'email que j'ai envoyé à sacha, ou il me demandait ce que je kiffait au ghana. Avec tout ca j'espere que vous aurez une petite image de ces pays...
"et sinon ce que je kiffe, c'est l'ambiance de la rue, l'extravagance en tout, la chaleur des gens, tout est à la one again encore plus qu'a l'est, et puis il y a aussi les couleurs, les beaux tissus, la bouffe bien depaysante et la culture tres vivante du ghana, qui est aussi tres riche. tout ca meme si l'ambiance est carrement moins grandiose que dans les pays francophone, je multiplie les temoignages en ce sens... mais je pense que le principal avantage du ghana, c'est son economie. c'est vrai que l'ambiance est sereine au sein de la population, il y a aucun risque d'agression (je suis rentré 15 fois a pied dans ma banlieue a quatre heures du matin). mais c'est vrai que c'est pas forcement ce qui attire un étudiant en mal d'experience festive...
enfin pour finir, deja je suis content de ne plus avoir a faire attention au prix de chaque trajet en bus et objet que j'achete comme en ethiopie, les gens n'en veulent pas autant a ton argent ici...et puis surtout, j'imagine que chaque pays possede son propre 'feeling', quelquechose que je ressens different au ghana du togo, de l'ethiopie, quelque chose auquel je me suis habitué et qui fais que je me sens chez moi, une sorte de sérénité qui fais que tout peut toujours etre pris à la légère, et qu'on est toujours ensemble ici pour affronter ses problèmes...si je dis à qqun 'voici mon probleme', il ne me quittera pas avant que celui ci soit résolu, alors ouais, sérénité..."
Bravo, bravo!
Ecris, mails, billets, tickets, textes, notes, et bientôt articles (si j'en crois tes pistes de stage)!
Sans les fautes de conjugaison et avec des tournures moins anglaises ça serait du Flaubert... du moins pour nous.
Yes, merci pour ce message plutôt chouette, et en plus ça fait super plaisir d'avoir des nouvelles des deux autres.
c'est étrange cette impression de revenir chez soi non? Moi ça m'a fait la même chose en rentrant d'Argentine, j'ai eu l'impression de rentré chez moi, en terrain connu avec mes repères et mes habitudes, avec les gens que je connaissais etc. Mais pourtant c'est le Costa Rica...
Comme quoi se sentir chez soi ça peut arriver n'importe où !
Merci Vivien,
Ravi également de lire ce post.
Je n'aurai pas la chance de comparer le Cameroun à d'autres pays d'Afrique ou peut etre plus tard, en tout cas certainement avec toi autour d'une biere.
J'étais surtout heureux de voir la frimousse de nos deux Ethiopiens et d'avoir de plus amples nouvelles de leurs vies.
Je m'ajoute à la clameur générale. Ce mail fait bien plaiz.
Aguanta africa!!
et Shah rukh khan a colonisé l'ethiopie!
les européens ont échoué, les indiens l'ont fait!!
sacha n'a pas échoué non plus!...
Quel plaisir de te lire!
En espérant avoir la chance de te revoir bientôt, quelque part dans ce monde... Emmanuelle
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