Bientôt quatre semaines passées à Yaoundé, que j’appréhende peu à peu…
Le dernier post faisait état de mes balbutiants débuts. Je balbutie encore mais certaines habitudes s’installent… Je me sens à l’aise dans de nombreux lieux camerounais, pourtant tres loin de mes petites habitudes françaises… encore que !
Plusieurs choses se sont passées depuis mon installation et mes premiers pas, non que la vie soit trépidante pour un stagiaire en Ambassade débarquant ici mais quand même !
D’abord Yaoundé. Comme je vous le disais précédemment, j’ai rencontré Sébastien, le vigile de

ma résidence. Il est génial. Le samedi suivant (il y a deux semaines et demi, déjà), on part donc se promener, après s’être retrouvé devant Score, un supermarché (qui a brulé ya deux jours dailleurs) tout près du rond point de la poste, l’un des plus importants de Yaoundé.
La valse des taxis m’impressionne moins, bien que ceux-ci, virtuoses, arrivent à se frôler sans jamais d’accidents, du moins pas à mes yeux : leurs carrosseries tendent à crier le contraire ! Leur fonctionnement est d’ailleurs très anarchique mais

charmant. Le taxi, avide de combler ses places vides klaxonne le client et ralentit. Ce dernier annonce destination et prix. Si ça lui convient, le taxi klaxonne encore, le client peut prendre place, autrement il file. J’aime monter dans ses petites bagnoles où, finalement, on se sent en sécurité, même si le chauffeur perdrait son permis dans la minute en France, et que sa caisse ne passerait pas une fois le contrôle technique.
On visite donc Yaoundé, Sébastien et moi. Le musée national : ancien palais présidentiel, exposition sur les différents peuples autochtones camerounais, intéressante mais impression de vide et de délabrement terrible dans cet endroit… Puis Bastos : le quartier assez chic, avec Ambassades (celle de France n’y est pas) et belles villas mais aussi rôtisseries, bars et boites. On déguste donc un poulet grillé aux plantains, délicieusement frites… Le piment vient relever tout ça, un régal. Nous montons ensuite, à pieds, vers le Palais des Congrès. L’architecture du monstre est impressionnante. Perché en haut de sa colline (Yaoundé en compterait 7, aux dires du guide touristique), l’immense immeuble à l’allure soviétique surplombe la capitale et donne une impression de décalage avec l’environnement alentour, comme la majorité des bâtiments administratifs de Yaoundé d’ailleurs, capitale politique qui semble construite de toute pièce !

La vue est cependant magnifique et nous enchaînons notre visite par une descente vers de nouveaux quartiers : Tsinga, populaire et chaleureux puis la Briquetterie, pauvre, non moins

chaleureux mais extrêmement dépaysant. Les maisons, ou plutôt les cabanes et autres cases, s’entassent les unes sur les autres, entrecoupées de minuscules chemins de terre, sur des rues non goudronnées, parfois sans égout. Des odeurs très agréables de grillades à celles de pourriture… On ne s’y sent pas toujours très bien. Un blanc ne peut y venir, seul, la nuit. Enfin, le marché de Mokolo, l’un des plus célèbres de Yaoundé. Sébastien me fait rentrer dans son dédale couvert…
Les étalages se succèdent, on a à peine la place de passer. Je me faufile derrière lui, perdant le sens de l’orientation… On finit par sortir du côte opposé à l’entrée, quand j’entends : « Eh ! Il y a des longs couteaux là-bas, et ils n’aiment pas bien la couleur blanche ! » Je me retourne et souris au vendeur…
Cette après-midi en sa compagnie est des plus agréables. Il m’emmène dans ce qu’il connaît de Yaoundé, où il a toujours vécu… Et je l’en remercie.
Autres fait marquants de mon séjour : le film « Paris à tout prix. » Je lis les journées tous les jours pour le boulot donc, forcément, j’avais entendu parler de ce phénomène cameorunais : Joséphine Ndagnou, réalisatrice de téléfilms pour la Crtv, la chaîne publique camerounaise, mais d’abord actrice de séries, réalise son premier long métrage. L’histoire d’une jeune fille, Suzy, qui veut quitter « la galère » et se rendre dans l’El Dorado français, par tous les moyens. Elle paie des trafiquants, s’embarque clandestinement et finit par se prostituer, obtenir un visa de 3 mois et finalement un charter de retour…
Le trait est caricatural. Une scène me choque particulièrement : celle où Suzy et ses amis viennent de s’enfuir d’un resto de Kribi où la note est salée et sont finalement attrapés par la police. Celle-ci leur fait la morale (en gros : gaspillez pas votre energie à partir mais à travailler) et finit par leur donner de l’argent pour retourner à Yaoundé, sous le portrait bienveillant du Président Biya ! Comme si le pouvoir de Biya était aussi bienveillant auprès de ses jeunes délinquants… Mais aussi cette caricature de flics qui emmènent Suzy à Paris : « S’il vous plaît Mme, c’est la loi. S’il vous plaît ! S’il vous plaît ! » Je doute d’un excès de politesse aussi souligné de la part de nos bleus, surtout quand on connaît les descentes effectuées dans certaines écoles de Belleville et ailleurs pour embarquer les sans-papiers…
Le film a, en revanche, le mérite de décrire avec beaucoup de réalisme le quotidien des camerounais, à en juger par les exclamations entendues dans la salle. « Ca c’est le pays !!! » Mais aussi des hurlements de joie, des cris, des rires ostentatoires et autres commentaires affichés… Le cinéma n’est pas une salle tranquille en Afrique. Mais la réaction du public est un signe encourageant. Le film fait salle comble et c’est rare à Yaoundé… Mais je vous reparle dans très peu de temps de Joséphine Ndagnou.
Sinon, le boulot m’intéresse toujours autant. J’attends simplement d’avoir à sortir du bureau. Pour l’instant j’y rédige mes revues de presse et des dépêches diplomatiques. Ma première a été adressée au Ministère aujourd’hui (un résumé des élections)… Les revues de presse sont disponibles en ligne (
http://www.ambafrance-cm.org/rubrique.php3?id_rubrique=50 ) : c’est toute les semaines et les anciennes sont dans « Archive. » J’en ai déjà fait 3, la 4ème est pour demain.
L’Ambassadeur (mon maître de stage, hihi) semble apprécier mon travail, à tel point que j’ai été convié, samedi dernier, à un dîner dans sa résidence.
Journalistes, député, ancien ministre, entrepreneur, Rémi et… la réalisatrice du film dont je vous parlais ! Impressionant… A l’apéritif, je discute avec un Monsieur qui me demande ce que je fais.
Je lui réponds poliment. Puis, quand même, je me permets une question :
« Vous êtes Monsieur ?
- Mr X, député.
- Ah… (blanc-sans mauvais jeu de mots-) et de quelle circonscription ?
- Du Nord.
- Ah… (reblanc) et la campagne s’est bien passée ?
- Oui. On a mené les bons combats.
- D’accord. »
Le plus grand moment de solitude, très drole quand même, sachant que cet « Honorable » me proposera, à la fin du dîner de m’accueillir si l’envie me prend de visiter le Nord du pays. Je change d’interlocuteur, donc, pour me diriger vers un journaliste. Je vais ainsi de personnages en personnages. Je rentre avec des numéros de téléphone… Et des images, commentaires et messes basses plein la tête. Ce milieu est fascinant et très instructif. J’ai fait mine de m’y sentir à l’aise… La preuve : à la question de Mme Ndagnou qui souhaitait connaître mon avis sur son film j’ai répondu poliment : « c’est très intéressant… Les gens réagissaient énormément. » Et, en lui disant au revoir : « Bon courage pour votre film ! »
J’aime souvent mieux ces soirées ou débuts de soirée passées avec Sébastien, à la nuit (ici elle tombe à 18h30, d’un coup brutal). Il m’emmène dans des bars, toujours en terrasse, où la bière coule à flots… On discute de choses et d’autres et j’observe l’animation des rues, les vendeurs ambulants et autres grillades sauvages, mais aussi le flot continu des taxis.