jeudi 8 novembre 2007

Ceci explique cela

Salut à tous.

Bon, voila, à force de le chercher, j’y suis arrivé. Au fin fond de la brousse (non madame D., je veux dire de la campagne profonde, d’ailleurs c’est plutôt forestier comme région). In the bush. Facilement 6 -7 heures en transport en commun depuis Accra, variable selon le temps d’attente de la barge qui fait la navette à travers le lac Volta.
[Minute culturelle : plus grand lac artificiel au monde, le lac Volta s’est formé à la suite de la construction du barrage d’Akosombo par Kwame Nkrumah (‘architecte’ de l’indépendance du Ghana, première d’Afrique, en 1957) dans les années 1960, ce qui a inondé les terres adjacentes (7% du Ghana) et déplacé quelques 80 000 personnes, dont certaines communautés attendent toujours un dédommagement 50 ans plus tard. C’est aujourd’hui une réussite économique, mais le pays doit tout de même importer de l’électricité en cas de sécheresse]
Cette région du pays, qui constitue un district nommé ‘Afram Plains’, est cernée par les deux bras de rivière qui constituent le lac au sud et à l’est, et la première vraie route pour accéder à la région par le nord/ouest est encore en construction. Autant dire que cette région n’est pas la plus développée…

Mais tout est relatif : ma famille d’accueil dans le ‘greater Accra’ m’avait paru dépaysante mais ils étaient tout de même reliés aux canalisations d’eau de la Ghana Water Company ; le village dans lequel je suis me parait coupé du monde, mais il reste sur l’une des rares routes goudronnées du district ; et sur cette route se trouvent des groupements de maisons de terre dont on voit les habitants marcher sous le soleil pour aller jusqu’au prochain point d’eau (puit). Pensez que ces points d’eau ne sont installés que depuis quelques années et surtout qu’ils sont loin d’être partout, et ça vous donne l’image classique du petit africain qui fait des kilomètres toute la journée pour aller chercher de l’eau. Let alone ceux qui n’ont pas accès à des points d’eau comme les puits et qui boivent l’eau du lac par exemple.
Et donc, disais-je, je suis dans un village de taille moyenne, Tease, qui comptabilise 4 écoles pour 8 églises (la méthodiste, la pentecotiste, la romane, la… et ça pour les églises comme pour les écoles)...et ils voulaient encore que je donne de l’argent pour construire une nouvelle église, ces naïfs…
Sinon je suis bien installé j’ai une belle chambre, comme dit le poème, et je me met à la vie sans eau à volonté (douche au seau d’eau, chiottes sèches, éviers absents –lavez vous les mains-). On se rend compte du luxe de chez maman et surtout de la praticité de toutes nos belles inventions techniques : robinet, douche, évier, et même salle de bain(!), miroir aussi (paske je me rase quand même maintenant, avec un miroir de 3cm sur 5). L’expérience de ma famille d’accueil a été une bonne préparation, mais maintenant je n’ai plus d’hôtes qui tiennent à tout faire à ma place (cependant je ne fais pas non plus tout tout seul, voir suite).

Alors, voilà pour la mise en scène. Maintenant quelques caractéristiques de la culture, de l’endroit, de la vie ici…toutes simples mais pas moins pittoresques.
- La place dans la société : en tant qu’étranger, elle est toujours spéciale. Ici, plus encore qu’ailleurs et qu’à Accra, elle est très spéciale. Je suis l’Obruni (homme blanc. accentuez et rallongez le ‘bru’). Ce que j’ai tjs été au Ghana, mais là je suis l’obruni puissance 12. Comme j’aime à m’en vanter, tout le monde me connaît. Je ne connais pas tout le monde bien sur, mais un honnête tiers des personnes que je croise me dit bonjour, teste un peu ma connaissance de la langue locale, ou bien encore me fait signe de venir les voir. Je ne parle pas des enfants qui m’interpellent tous dès que je passe devant eux en criant ‘Obruuuni’, jusqu’à ce que je me retourne en faisant signe et réponde ‘By-byyyyye’. Much fun. malheureusement je ne peux pas me retourner à chaque interpellation sous peine d’y passer la journée. Et à la maison (4 chambres contiguës ou vivent trois autres familles dont 3 jeunes pipelettes qui ne s’arrêtent jamais de rire), je vis au rythme des ‘Obruni-Obruni-Obruni’ sous ma fenêtre à longueur de journée. Je suis une star méconnue en Europe. Il faut dire je dois être le seul Obruni à des centaines de km à la ronde, bien que j’ai trouvé un japonais bénévole dans le village, tout aussi isolé que moi (pour le coup je ne me suis jamais senti culturellement aussi proche d’un japonais).
D’un ordre général : les grands-mères sont les premières à me serrer la main énergiquement et avec un grand sourire édenté (hahaha ! Obruuuni ! hahahaha !) ; les bébés ont peur de l’obruni et pleurent ; les gamins s’arretent tous dans ce qu’ils font, je crois que ce sont les plus captivés, quand je les croise ils me portent un regard en coin craintif ou étonné, ça ne rate jamais ; les jeunes hommes sont les plus entreprenants à taper la discutte, les femmes varient entre timidité (le plus souvent devant leur magasin) et engagement de la conversation en langue locale. Celle-ci, le Twi, est différente de celle que j’ai appris à Accra, pas de chance…mais on progresse vite. Ex : je sors de ma chambre, le portable à la main pour trouver un endroit ou le réseau passe, et au bout de quatre rencontres, sur 300 mètres pour arriver à la route principale, je suis capable de dire ou je vais et ce que je vais faire…à ce rythme on apprend vite.

- Voyager nous apprend toujours beaucoup sur les autres cultures, et autant sur la notre. Ici, en plus de l’écart de niveau de vie, c’est l’antagonisme occident = société individualiste/Afrique = société solidaire qui m’apparaît de manière concrète. Je vis ‘seul’ mais je suis loin d’être indépendant. Tout d’abord parce que les jeunes se proposent toujours de m’aider à faire ma lessive, ma vaisselle, me trouver ceci ou cela, cuisiner pour moi. Moi en bon occidental qu’on a élevé dans la culture de l’indépendance et fier que je suis, j’ai d’abord commencé à refuser généralement leur aide (de manière symbolique car ils s’en fichent un peu, ils aident). Mais rapidement j’en suis à me rendre compte que de toute manière, je n’ai pas le choix, je ne suis pas indépendant : je suis incapable de faire toute ma lessive de la semaine à la main car mes fragiles mains ne sont pas habituées et s’écorchent bien trop rapidement (ben oui et alors?), et je cuisinerais bien moi même mais je ne serais pas très habile à utiliser leur outils au charbon de bois, je ne saurais pas cuisiner d’igname ni de tubercules et je ne pense pas pouvoir trouver de pâtes au village (ni même de bière, horreur). Bref, de mon coté, j’ai pas vraiment le choix, et en règle générale ils ont bien sûr une intelligence pratique bien plus développée que la mienne. Et c’est tout en acceptant leur aide désormais très volontiers que je me rend compte……ô surprise…….qu’il n’y a rien d’anormal dans le fait de s’entraider. Qu’ici, ce serait plutôt l’attitude opposée qui serait anormale…étonnant non ? ben oui, dès qu’on voit qqun faire qqchose on l’aide, c’est comme ça que ça se passe…intriguant.

Bernort Salié, dans son ouvrage « les us et coutumes s’expliquent par les contraintes matérielles » avance que les activités étant plus exigeantes en terme d’effort d’une part et que la société d’ici ne pouvant pas se permettre de tout monnayer d’autre part, il est profitable à chacun d’entretenir la solidarité. Mais on pourrait aussi dire que les gens sont beaucoup plus proches et ouverts socialement, qu’ils sont habitués à travailler dans la rue avec tout le monde plutôt que dans un bureau avec toujours les mêmes 5 personnes, à avoir vu sur la cour du voisin en prenant sa douche plutôt que d’être cloisonné par une grille (souvent verte et moche), à vivre dans une sorte de ‘camping’, quoi, donc à être plus proche des gens.
Les personnes se trouvant dans le tiers-monde (pardonnez l’expression), ou pas, donneront-elles leur avis ?

Je m’arrête là. J’aurais une pensée pour vous en regardant un ciel plus étoilé que jamais ce soir…

Je vous salue!


Et je mets plein de photos !

Maison et chemin du boulot:







4 commentaires:

doudou a dit…

Solidarité, ouai, je peux dire qu'ici, comme dans tout mouvement social il y a eu une forte solidarité pendant le mouvement contre le TLC mais au niveau général dans la société c'est pas franchement ça. Ici c'est plutôt le record de grille pour enfermer ta maison pour être sur qu'elle s'enfuie pas, et tant qu'on y est on enferme aussi le jardin, et la voiture évidemment, sauf quand elle est trop grande pour rentrer dans la-dite grille. Et comme ils n'ont pas d'armée ben le mec qui fabriquait du fil de fer barbelé à gueuler, il savais pas quoi faire de son stock alors il l'a vendu en tant que déco de noel en 1948, et du coup en haut de chaque mur tout le monde a sa petite guirlande qui pique. Et comme c'est pas assez chez nous ils ont mit des plantes piquantes en haut du mur...

Ha bah ça ma brave dame, la sécurité c'est important, on est quand même mieux chez nous, avec tout ces nicas (nicaraguayens) qui rôdes, déja qu'ils nous volent nos emplois il faudrais pas qu'ils viennent prendre nos maison, et encore moins la télé!

Mais pourquoi ce pays me rappel la france de temps en temps?

Vivien a dit…

ah ben vi mon bon m'sieur j'comprends bin, vous c'est les nicas ben nous on a les nigérians!
c'est aussi un peu la tendance mur et grille à Accra, forcément, quand on est 100 fois plus riche que le voisin...

Polette a dit…

ha ba tiens quelle surprise ! ici ce sont les albanais... et en plus, ils sont musulmans... Tout les ingrédients sont réunis, Alors on dit "nous" et on dit "eux", on invite à la méfiance et on multiplie les stéréotypes. Serait ce une composante universelle de l'être humain en société? A t on besoin d'exclure pour se construire? ça craint.

Pauline a dit…

Le rejet du mec qui est né (ou non mais c'est pareile) de l'autre côté de la frontière, n'a donc lui, pas de frontière. Ici on parle des paraguayos (prononcé paraguachios en proteño) ou des peruanos. Ils prennent les emplois des argentins pour 3 fois rien, ça leur suffit de vivre dans des maisons de taules (gloup!) et envoient tout leur argent al extranjero...J'ai déjà entendu ca qqpart.
Le pire, c'est que même parfois, le peruanos en question, c'est un compañero de lucha, il a occupé l'usine pendant des mois, il a pris les même risques que les autres mais il restera toujours un peruano, ou pour être plus clair un "non-argentin".